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Comment mesurer la performance d’un consortium d’exportation?

La performance reste un concept très délicat à cerner. Plusieurs études ont porté sur ce concept en distinguant entre la performance restrictive en mettant l’accent uniquement sur l’aspect financier et celle dite extensive englobant les différentes facettes de la performance.

Dans le langage courant, la notion de performance fait généralement référence à un résultat mesuré sur une échelle ou à l’évaluation objective ou subjective d’un résultat qui est conséquence de quelque chose. Toutefois, ce résultat est en principe un événement passé. Cependant, il peut aussi s’agir d’un événement futur attendu.

Dans cette publication, nous allons tenter d’analyse la performance des alliances stratégiques en général dans un premier temps, et ensuite, présenter les différents indicateurs de performance des consortiums d’exportation dans un deuxième temps.

1.La performance des alliances stratégiques en général

La performance est un concept polysémique, son évaluation dans le cadre d’une organisation n’est pas une chose aisée. Preuve à l’appui,  March et Sutton(1997)ont identifié, au moins, trois limites à l’étude de la performance organisationnelle.

Premièrement, l’instabilité de l’avantage en termes de performance, c’est-à-dire que lorsque même une pratique managériale contribue à l’amélioration effective des performances d’une entreprise, cette contribution est limitée dans le temps car cette pratique managériale finit par être imitée par les autres entreprises concurrentes.

Deuxièmement, la complexité des phénomènes de causalité qui consiste à la difficulté de vérifier la corrélation entre les variables indépendantes (variables explicatives de la performance) et la variable dépendante(la variable à expliquer qui est la performance).

Troisièmement, nous trouvons le biais dans la mesure des variables explicatives, par exemple, la perception des partenaires sur la relation d’une alliance stratégique peut être affectée par leur connaissance antérieure des résultats de cette alliance.

Autrement dit, l’évaluation de la performance d’une alliance stratégique peut être influencée par l’information détenue par les partenaires. En plus, quelques variables explicatives sont difficilement observables et mesurables dans la réalité.

En terme de typologie de la performance, cette dernière peut avoir plusieurs aspects notamment la performance commerciale, la performance financière, la performance économique, la performance sociale et la performance organisationnelle.

Ainsi, nous avons trouvé une autre classification de la performance : performance extensive, c’est-à-dire la performance qui couvre les différents aspects de l’entreprise et la performance restrictive qui traite uniquement l’aspect financier de la performance.

Dans le cas des alliances stratégiques, les indicateurs d’évaluation de la performance adoptés sont multiples. D’après notre revue de littérature, nous avons constaté que la plupart des auteurs se basent sur la synthèse des travaux réalisés par Fabien Blanchot qui a regroupé ces indicateurs de performance dans quatre grandes catégories : indicateurs de performance des partenaires, indicateurs de performance de l’objet de l’alliance, indicateurs de performance de la relation entre les partenaires et indicateurs composites.

Premièrement, la mesure de la performance d’une alliance stratégique  peut porter sur les effets passés, actuels et futurs de cette dernière sur les partenaires. Il concerne par exemple, la mesure de l’évolution de la valeur de l’entreprise alliée, sa part de marché, ses résultats comptables, sa production d’innovation  et l’acquisition de compétences nouvelles.

Deuxièmement, les indicateurs de performance de l’objet de l’alliance concernent l’évaluation du niveau de réalisation des objectifs du projet de l’alliance. Autrement dit, ce groupe d’indicateurs met l’accent sur les résultats de l’alliance en rapport avec les objectifs définis le jour où l’alliance stratégique a été scellée entre les partenaires.

A titre d’exemple, une alliance stratégique ayant comme objectif principal de commercialiser les produits des entreprises alliées dans des pays étrangers, peut être évaluée sur la base du taux de pénétration des marchés cibles et les différents résultats commerciaux réalisés par l’alliance stratégique.

Troisièmement, nous trouvons les indicateurs de performance de la relation entre les partenaires qui s’intéressent à l’évaluation de la qualité des relations entre les partenaires dans uns alliance stratégique en se basant sur les jugements fournis par les partenaires.

Dans ce sens, F.Blanchot a cité quelques exemples d’indicateurs à utiliser, tels que la fréquence des conflits entre les partenaires, la justice organisationnelle, la loyauté du partenaire, la qualité de communication, les rapports de pouvoir et l’intensité de confiance mutuelle.

Quatrièmement, des indicateurs qualifiés de composites peuvent concerner  plusieurs des trois indicateurs précédents. Autrement dit, ce sont des indicateurs synthétiques et globaux. Dans ce cas, nous pouvons citer le degré de satisfaction globale à l’égard de la performance d’une alliance ou bien le potentiel d’une alliance à créer la valeur chez les partenaires de cette dernière.

Ces indicateurs sont corrélés entre eux : une mauvaise relation entre les partenaires peut nuire à la performance de l’objet de l’alliance et par conséquent à la performance des partenaires. Arino(2003) a effectué une recherche à l’issue de laquelle a constaté une relation imparfaite entre ces quatre indicateurs de performance des alliances stratégiques.

Ainsi, Blanchot considère qu’il est préférable d’utiliser plusieurs indicateurs pour bien évaluer la performance d’une alliance stratégique.

L’auteur a aussi mentionné que plusieurs études mettent l’accent sur l’issue ou la durée(longévité) de l’alliance pour juger sa performance. L’issue fait référence soit à la survie ou non de l’alliance à un moment donné, soit à l’évolution des modalités initiales de l’accord au cours du temps. Selon lui, ces deux indicateurs sont facilement observables et mesurables.

Cependant, la rupture d’une alliance au bout d’une certaine durée n’est pas toujours synonyme de son échec : les partenaires peuvent mettre fin à une relation pour la simple raison que cette dernière a atteint ses objectifs initialement prévus (Gomes-Casseres, 1989 ; Glaister et Bucley, 199743).

Aussi, une relation peut durer longtemps même s’elle n’est pas performante et ce, à cause de la réticence des partenaires.

En bref, la survie, la durée et la stabilité des alliances ne sont donc pas synonymes de réussite. Le manager d’une alliance stratégique doit veiller à la recherche d’autres facteurs pouvant influencer la performance de son projet d’alliance.

Les travaux de Reus et al.(2004) ont cité comme facteurs d’influence de la performance des alliances stratégiques, l’attachement du personnel, l’existence ou pas de procédure de résolution des conflits, l’existence ou pas d’une rivalité et de menace d’opportunisme, la justice des procédures, l’expérience des partenaires, la répartition des droits de propriété, du contrôle et des responsabilités entre les partenaires, le champ concurrentiel d’appartenance des partenaires, la forme juridique et la structure de l’alliance, le mode de gestion des ressources humaines, la clarté des objectifs des partenaires, les stades de la chaîne de valeur concernés, les différences culturelles, le degré de concentration et de croissance de l’industrie d’appartenance de l’alliance, l’analyse préalable à la décision d’alliance, le degré d’implication des partenaires, l’asymétrie ou non des contributions des partenaires et la multiplicité ou non des relations de long terme entre les partenaires.

Nous pouvons ajouter également le rôle du contexte dans la performance des alliances stratégiques. D’une façon générale, les auteurs suggèrent qu’une alliance devrait être choisie quand trois conditions sont remplies : le recours à un partenaire est souhaitable, la relation doit aller au-delà d’une simple relation marchande et l’acquisition du partenaire n’est pas souhaitable.

2.Performance d’un consortium d’exportation

L’évaluation de la performance d’un consortium d’exportation vise à étudier l’impact des résultats d’une telle coopération interentreprises sur la performance des PME adhérentes.  Certes, ces évaluations sont coûteuses à entreprendre, mais elles sont essentielles dans la mesure où l’étude de la performance permet d’une part d’identifier les faiblesses devant être rectifiées, et d’autre part, de tirer des enseignements des erreurs passées.

Il existe plusieurs méthodes d’évaluation de la performance des consortiums d’exportation et les indicateurs de performance utilisés se compliquent à cause des différents problèmes de mesure.

2.1.Les méthodes d’évaluation:

Il existe plusieurs méthodes pour évaluer la performance d’un consortium d’exportation.  En revanche, nous allons nous focaliser dans notre travail sur deux principales méthodes, jugées les plus pertinentes, à savoir, les évaluations destinées à prouver l’impact d’un consortium et celles destinées à améliorer l’impact d’un tel consortium d’exportation.

Dans la première catégorie des méthodes d’évaluation, l’objectif est de rendre compte des ressources utilisées, c’est-à-dire vérifier le retour sur investissement des moyens alloués au consortium d’exportation. Ce mode d’évaluation est souvent adopté par les autorités publiques pour s’assurer de la bonne gestion des subventions octroyées aux consortiums d’exportation.

Dans ce cas, l’évaluation s’inscrit dans le long terme dans le sens où la vérification d’impact exige du temps. Notons aussi que ce type d’évaluation exige une grande objectivité de l’évaluateur.

Pour la seconde catégorie d’évaluation basée sur la vérification de l’amélioration de la performance du consortium d’exportation, l’évaluation  est considérée comme un processus d’apprentissage pour améliorer les performances.

Dans ce cas, nous remarquons que l’aspect principal est l’analyse et la compréhension du processus d’apprentissage des PME membres d’un consortium d’exportation. Dans ce type d’évaluation, un degré de subjectivité est acceptable, et les évaluations peuvent  être menées dans une période plus courte (Nadvi et Barrientos, 2003).

Quelle que soit l’approche d’évaluation adoptée, de nombreuses techniques sont utilisées pour mesurer l’impact d’un consortium, notamment les questionnaires, les entretiens et la comparaison des performances des exportations des PME membres avant et après l’adhésion au consortium.

D’autres auteurs recommandent de comparer les réalisations d’un consortium avec celles des autres consortiums. En revanche, c’est difficile de trouver deux consortiums ayant les mêmes objectifs et les mêmes caractéristiques.

2.2.Les indicateurs de performance d’un consortium d’exportation :

Il existe toute une panoplie d’indicateurs de mesure de la performance d’un consortium d’exportation. Nous trouvons soit, les variables qui permettent de mesurer l’impact d’un consortium  sur  les PME membres, appelées également les indicateurs indirects, soit celles qui permettent de mesurer la performance du consortium lui-même, appelées indicateurs directs de performance.

2.2.1.Les indicateurs indirects de performance:

La première catégorie d’indicateurs de performance  d’un consortium d’exportation vise à analyser l’évolution de la situation des PME membres en comparant leurs différents résultats avant et après l’adhésion au consortium. Une telle analyse peut porter sur l’évolution du chiffre d’affaires, marge commerciale, parts de marché, rentabilité…etc.

Autrement dit, ces indicateurs portent sur l’étude des effets du consortium sur les PME membres. Ces  indicateurs incluent : l’augmentation du chiffre d’affaires des exportations, du nombre de marchés d’exportation, l’accomplissement d’exportations régulières, l’économie de coûts et de temps et la capacité des entreprises à exporter seules.

  • l’augmentation du chiffre d’affaires à l’exportation : c’est un indicateur très utilisé pour mesurer l’impact d’un consortium sur les PME membres. C’est aussi un indicateur simple et facilement mesurable. Toutefois, cet indicateur n’est pas pertinent dans le cas d’une PME qui n’a jamais exporté avant d’adhérer au consortium ;
  • l’augmentation du nombre de marchés d’exportation : cet indicateur est pertinent dans la mesure où il permet de mesurer la qualité des efforts déployés par les managers du consortium afin d’explorer de nouveaux marchés. En revanche, cet indicateur présente certaines limites : tout d’abord, il ne s’applique pas aux consortiums de vente, mais plutôt aux consortiums de promotion. Deuxièmement, il ne prend pas en compte le type de marché exploré. Autrement dit, la qualité de promotion est négligée par cet indicateur. Renard(1997) l’a bien mentionné en disant « exporter aux États-Unis et en Andorre n’est pas comparable« . Enfin, cet indicateur est à utiliser avec précaution dans le cas d’un récent consortium car, les fruits de la promotion commerciale ne peuvent être récoltés qu’après une certaine période ;
  • l’accomplissement d’exportations régulières : cet indicateur permet de vérifier si l’adhésion au consortium a rendu les exportations des PME membres plus stables et régulières. Lorsque cet indicateur est positif, ça signifie que les PME détiennent une position stable et solide sur les marchés étrangers ;
  • économie de coûts et de temps : c’est un indicateur relativement facile à mesurer. Il permet d’évaluer l’économie de coûts généré par un consortium au profit des PME membres. Un consortium engendre également une économie de temps important pour ses entreprises membres. De ce fait, il faut prendre en considération ce critère dans l’évaluation de la performance ;
  • capacité des entreprises à exporter seules : c’est un indicateur très pertinent, global et synthétique. Cet indicateur vise à vérifier la réalisation de l’objectif ultime d’un consortium et qui consiste en fin du compte, à assister les PME membres à établir une présence à l’exportation et surtout apprendre comment exporter. Autrement dit, l’objectif ultime d’un consortium ne se contente pas à la création d’une entité en elle-même mais surtout, à initier aux PME membres le processus d’exportation.

Alors, si les membres d’un consortium parviennent à exporter seuls, cela signifie que le consortium est performant. En terme de mesure, nous pouvons soit, demander aux dirigeants des PME membres d’évaluer l’amélioration de leurs compétences à l’exportation grâce à l’adhésion, soit évaluer les performances des membres ayant quitté le consortium pour exporter seuls.

2.2.2.Les indicateurs directs de performance:

Les principaux indicateurs utilisés pour évaluer directement la performance du consortium sont : le nombre de service offerts, la perception des membres du consortium et la rentabilité.

  • le nombre de services offerts : le nombre de services fournis aux PME adhérentes diffère d’un consortium à un autre. Il est clair que la multiplication des services offerts est un signe de satisfaction des membres et par conséquent, un facteur de performance d’un consortium d’exportation. Cependant, cet indicateur est à prendre avec prudence car l’utilité et l’importance des services offerts qui comptent et non pas le nombre de services ;
  • perception des membres du consortium : cet indicateur stipule que la satisfaction des PME membres vis-à-vis de l’utilité et de l’importance du consortium est un signe de performance d’un consortium. La perception peut être mesurée au moyen d’un questionnaire. En revanche, la fragilité de cet indicateur réside dans sa subjectivité dans la mesure où la perception varie d’un membre à un autre en fonction de ses attentes et ses expériences ;
  • rentabilité : cet indicateur vise à vérifier que les ressources allouées à la création et au management du consortium sont exploitées de manière efficace.

Conclusion:

Cette publication nous a permis d’aborder les différents aspects de performance des alliances stratégiques en général, et les consortiums à l’exportation en particulier.

In fine, la mesure de la performance reste un processus délicat et compliqué vu la multiplicité des intervenants concernés par l’évaluation de la performance des consortiums et la divergence des indicateurs de mesure.

Aussi, il faut noter, comme l’a souligné d’ailleurs F.Blanchot, l’impact du contexte sur la performance. « Déterminer l’impact d’un consortium de façon précise est problématique, car l’un des apports principaux des consortiums d’exportation, à savoir les changements de comportement des entreprises membres, est intangible, et donc presque impossible à quantifier. Ces changements incluent l’apprentissage sur la façon d’exporter, le développement des relations entre les entreprises et leur bonne volonté croissante à s’engager dans des activités communes ».

Evaluer la performance d’une alliance stratégique et notamment, celle d’un consortium d’exportation n’est pas une tâche évidente. Ce constat est justifié par la multiplicité, à la fois des méthodes et indicateurs de mesure, et des intervenants liés au consortium d’exportation.

Le consortium d’exportation est un phénomène ancien au Monde même si les pouvoirs publics de certains pays n’ont commencé à soutenir ces structures que ces dernières années. Nous avons constaté, à travers cet article, que ces rapprochements interentreprises présentent plusieurs avantages pour les PME adhérentes.

En revanche, il n’est pas toujours facile de garantir la performance d’un consortium d’exportation surtout si ce dernier regroupe des entités familiales présentant des caractéristiques différentes de celles non familiales.

Ainsi, le contexte est une variable déterminante de la performance d’un consortium d’exportation dans le sens où le secteur d’activité, le degré d’intervention des pouvoirs publics, l’évolution du marché sont des éléments qui peuvent affecter, plus ou moins, le succès ou l’échec d’une telle structure.

Sources et références:

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